Pierre Sabouret – ACTION-Group, Institut du Cœur Paris
ESC 2015-Londres-European Guidelines
Intervenants : Marco Roffi (Berne, Suisse) Carlo Patrono (Rome, Italie)
Les recommandations européennes sur le NSTEMI ont été mises à jour, ce qui était attendu par la communauté cardiologique suite aux publications majeures de ces dernières années, imposant des modifications notamment sur la prise en charge. Nous avons choisi de faire un focus sur la stratégies thérapeutiques recommandées, les autres aspects de ces recommandations étant abordés par F. Diévart dans un autre article.
Pour le traitement de l’ischémie myocardique, l’initiation des béta-bloquants est indiquée dès que possible chez les patients symptomatiques en dehors des contre-indications classiques (classe I,B) Tableau 1.
Les inhibiteurs calciques ne sont recommandés que lorsque qu’un spasme coronaire est suspecté (classe Iia,B)
Les nitrés en administration sublinguale conservent toute leur place, aussi bien avec les béta- bloquants, qu’avec les inhibiteurs calciques (classe I,C).
Concernant les recommandations sur le choix des antithrombotiques et de leur durée, la situation est beaucoup plus complexe, avec une multitude d’options aussi bien dans le choix des molécules à associer à l’aspirine (Ticagrelor, Vorapaxar, Prasugrel, Rivaroxaban, Clopidogrel), que de la durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire (Dual Antiplatelet Therapy : DAPT).
La figure 1 résume les mécanismes d’action complémentaires des différentes molécules sur l’agrégation plaquettaire et la coagulation.
L’aspirine demeure la pierre angulaire du traitement, avec une dose de charge initiale de 150 à 300 mg et une dose d’entretien à 75-100 mg par jour indéfiniment (classe I,A).
L’association à un inhibiteur des récepteurs P2Y12 (P2Y12i) ,pour une durée optimale de 1 an au décours du SCA, reste également un des éléments clés de la prise en charge (classe I,A).
Dans ce cadre, le Ticagrelor peut être utilisé, à la dose de charge de 180 mg, avec une dose d’entretien de 90 mg x2 par jour, y compris pour les patients pré-traités par Clopidogrel, sur un large spectre de patients (patients avec PCI: percutaneous coronary intervention, patients traités médicalement, patients avec pontages coronaires…) présentant un NSTEMI à risque intermédiaire ou élevé (traduit par une élévation des troponines) (classe I,B).
Le Prasugrel est indiqué, à la dose de charge de 60 mg suivi d’une dose d’entretien de 10 mg par jour, chez les patients dont l’anatomie coronaire est connue, et pour lesquels une PCI est réalisée. Les précautions d’emploi et les contre-indications demeurent celles identifiées dans l’étude TRITON-TIMI 38 (classe I,B).
Le Clopidogrel est mis en deuxième ligne, à la dose de charge de 300 à 600 mg , suivi d’une dose d’entretien de 75 mg par jour, chez les patients ne pouvant recevoir ni Ticagrelor, ni Clopidogrel dans le cadre du NSTEMI. Il devient par contre l’inhibiteur des récepteurs des P2Y12 préférentiel en cas d’association du NSTEMI à de la FA (fibrillation atriale), compte-tenu de son évaluation dans l’étude WOEST (classe I,B).
L’élément plus récent est la possibilité de raccourcir la durée de la DAPT de 3 à 6 mois, avec les stents de 2e génération, chez des patients dont le risque hémorragique est élevé, compte-tenu des données des dernières métaanalyses issues des études randomisées (PRODIGY, ISAR-SAFE, REAL Late, ZEST- late…). Le Prasugrel ne doit pas être initié tant que l’anatomie n’est pas connue (classe III, B), il en est de même pour l’emploi des anti-GPIIb Iia, qui est limité aux situations de bail-out ou de situations cliniques hautement thrombotiques.
Le Cangrelor trouve sans place pour les patients avec PCI, n’ayant pas reçu d’autres P2Y12 inhibiteurs.
La place du Vorapaxar n’est pas précisée, alors que cette molécule possède une AMM européenne et américaine (indication étendue aux patients avec AOMI aux USA), et que ces bénéfices ont été validés par l’étude TRA-2P. Sa place devrait théoriquement se situer à 7 jours post-SCA (donc chez des patients ambulatoires, en externe ou en centres de réadaptation) en association avec l’aspirine et le clopidogrel, sur le long terme où s’expriment ses bénéfices, peut-être liés à son actiond’inhibition des récepteurs PAR-1.
La prolongation de la DAPT au-delà d’un an est proposée (IIb,A) pour certains patients, au cas par cas.
Cette attitude s’explique par la difficulté d’identifier précisément les patients pouvant bénéficier de la prolongation de la DAPT. PEGASUS a démontré les bénéfices du Ticagrelor à 90 et 60 mgX2 par jour sur le long terme, mais les analyses de sous-groupes ne permettent pas pour l’instant de définir quels patients tirent le maximum de bénéfices.
La DAPT study montre une réduction des infarctus (dont 50% ont lieu en dehors de la lésion cible), mais au prix d’une augmentation des hémorragies majeures, et de la mortalité non-cardiovasculaire.
L’étude acadmique OPTIDUAL n’a pas apporté d’informations supplémentaires, car cette étude académique s’adressait à des patients à faible risque ischémique et hémorragique.
L’analyse post-hoc de PRODIGY, qui vient d’être publiée, plaide en faveur de la prolongation de la DAPT chez les patients ayant une atteinte du troc commun gauche et/ou une atteinte pluritroculaire.
Des experts tels que Lars Wallentin (Suède) plaident pour une meilleure stratification du risque ischémique (et du risque hémorragique) des patients coronariens, en s’aidant d’algorythmes combinant des critères cliniques, d’imagerie (extension des lésions coronaires), et de biomarqueurs cardiaques mais aussi rénaux, associés à des marqueurs d’inflammation.
La prise en charge des facteurs de risque à long-terme avec un objectif de PA diastolique < 90 mmHg chez les patients non –diabétiques, < 85 mmHg chez les patients diabétiques, un objectif de LDL-C inférieur à 0,70 g/l en initiant par statines à fortes doses sur la base de l’étude PROVE-IT, avec la possibilité d’utiliser l’Ezetimibe en associant fixe ou libre avec une statine, sur la base des données récentes d’IMPROVE-IT.
Conclusion
Ces nouvelles recommandations arrivent à point nommé pour faire la synthèse des études parues ces dernières années. Certains points de la prise en charge restent incertains, et seront résolus par les études en cours, et l’utilisation de nouveaux paramètres à intégrer dans des scores de risque ischémique et hémorragique, pour guider au mieux la stratégie à long terme.
1er septembre 2015