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Dual anti-platelet therapy in 2015 – reviewing the évidence-Programme EBAC de l’ESC

Pierre Sabouret – ACTION-Group, Institut du Cœur Paris

Intervenants : Robert F. Storey (University of Sheffield, Royaume-Uni), Stefan James Uppsala (Clinical Research Center, Uppsala, Suède), Laura Mauri (Brigham and Women’s Hospital, Boston, Etats-Unis)

Robert Storey a souligné qu’il existait des différences pharmacologiques entre les inhibiteurs des récepteurs P2Y12 (P2Y12i), ce qui pourrait expliquer les différences observées en termes d’efficacité clinqiues à la phase aigue mais aussi à long terme. Le Clopidogrel est une pro-drogue, sujette à deux transformations métaboliques, ce qui explique que son action soit retardée par rapport aux autres P2Y12i, et qu’elle soit exposée à de nombreuses interactions pharmacologiques, expliquant une grande variabilité de réponse interindividuelle. L’intérêt potentiel des effets adénosine-like du Yicagrelor, par l’inhibition de l’ENT-1 (Equilibrative Nucleoside Transporter Type-1) lui procureraient une action non seulement sur l’agrégabilité plaquettaire, mais aussi sur l’athérome, via la modulation des leucocytes.

Il a été rappelé que la bithérapie antiagrégante plaquettaire a un rôle primordial dans la prise en charge des patients présentant un syndrome coronarien aigue, non seulement lors des premiers jours de prise en charge, mais aussi sur le plus long terme.

Les recommandations européennes et américaines plaident pour l’utilisation précoce de la bithérapie dans le cadre du STEMI (IDM avec sus-décalage du ST), en privilégiant les inhibiteurs des récepteurs P2Y12 plus récents (Ticagrelor et Prasugrel) par rapport au Clopidogrel, sur la base de deux études randomisées majeures, PLATO et TRITON TIMI 38.

Ces deux études se différencient pas des profils patients différents : l ‘étude TRITON-TIMI 38 s’adressait à des patients devant bénéficier d’une PCI (Percutaneous Coronary Intervention), sans avoir eu de traitement préalable par Clopidogrel. Une réduction significative des événements cardiovasculaires a été observée chez les patients présentant un STEMI, particulièrement chez les patients diabétiques, avec un surcroît d’hémorragies ayant conduit à des précautions d’emploi ou des contre-indications chez certains sous-groupes (patients ayant un antécédent d’AIT, patients âgés de plus de 75 ans, ou présentant un poids < 60 kg). Dans le cadre de la prise en charge des NSTEMI, l’étude ACCOAST n’a pas montré de bénéfices d’une pré-charge par Prasugrel, de même l’étude TRILOGY-ACS n’a pas objectivé de bénéfices chez les patients traités médicalement, même si une analyse post-hoc retrouvait un bénéfice chez les patients ayant bénéficié d’une angiographie. Rappelons que l’anatomie coronaire doit être connue avant l’emploi du Prasugrel, en raison du risque hémorragique élevé en cas de nécessité de pontages en urgence.

A l’inverse, l’étude PLATO s’adressait à un large spectre de patients présentant un SCA, et a démontré un bénéfice cardiovasculaire du Ticagrelor versus le Clopidogrel chez tous les sous-groupes de patients, quelque soit leur âge, leur poids, les antécédents . Une réduction significative des événements cardiovasculaires a été observée chez des patients à haut risque, dits « fragiles » tels que les patients traités médicalement, les patients bénéficiant de pontages coronaires, et les patients insuffisants rénaux. L’étude ATLANTIC a démontré qu’il était possible de débuter la dose de charge du Ticagrelor dans le SAMU, sans signal négatif sur le plan clinique, notamment en termes d’hémorragies.

Les recommandations sont concordantes pour préconiser un traitement par DAPT (Dual AntiPlatelet Therapy) de 12 mois, cette durée optimale devant être différenciée de la durée minimale (1 mois post stent nu, 3 à 6 mois post-stents actifs en fonction de la génération de stents), qui permet de stopper la DAPT en cas d’hémorragie grave et/ou intervention chirurgicale urgente.

Quand initier la DAPT ?

Stefan James a abordé le début d’initiation optimale de la DAPT, puisque la procédure de PCI majore l’agrégabilité plaquettaire, qui est déjà particulièrement élevée en cas de SCA. Cette hyperagrégabilité plaquettaire justifierait une initiation de la DAPT aussi précoce que possible, alors que les données des registres montrent que l’initiation se produit en bout de chaine de soins, au contact médical, à l’exception de quelques pays, et plus particulièrement la France, puisque le contact médical est précoce grâce à la présence du médecin dans le camion du SAMU.

L’étude ACCOAST dans le NSTEMI avec une Tropinine élevée, chez des patients devant bénéficier d’une PCI dans un délai de 2.48 heures, n’a pas montré de bénéfices ischémiques du Prasugrel à J7 et J30, avec un excès d’événements hémorragiques, aux mêmes dates de suivi.

L’étude ATLANTIC a inclus des patients en STEMI, et a démontré la possibilité de débuter le Ticagrelor (48 minutes après l’appel initial) en pré-traitement, sans excès hémorragique, mais aussi sans bénéfices ischémiques, ce qui pourrait s’expliquer en partie par l’excellence de la prise en charge par le SAMU, le délai moyen ayant été de 30 minutes entre les deux groupes, reflétant une arrivée rapide en salle de cathétérisme cardiaque.

Le Cangrelot semble une option séduisante, évaluée avec succès dans CHAMPION PHOENIX, en raison de son action immédiate par voie parentérale, et de sa réversibilité rapide, ayant permis, versus Clopidogrel, une réduction des événements ischémiques chez les patients en SCA avec PCI, sans surcroît hémorragique.

Faut-il raccourcir la durée de la DAPT ?

Cette problématique s’impose de façon récurrente, depuis la publication de plusieurs études (REAL- LATE, ZEST LATE, PRODIGY, ITALIC…), et la réalisation de métaanalyses. ISAR-SAFE a confirmé la possibilité de stopper la DAPT à 6 mois. Cependant, plusieurs écueils méthodologiques sont communs à ces différentes études : la taille des effectifs, l’inhomogénéité des patients (patients bénéficiant d’une angioplastie programmée et patients en SCA), la variété des types de stents (1ère et 2e génération), ce qui a permis de raccourcir la durée de la DAPT avec les stents de nouvelles générations, en cas d’événements hémorragiques majeurs et/ou de nécessité d’une intervention urgente, de raccourcir les durées de DAPT en cas de stents actifs de 2e génération implatés chez des

patients coronariens stables (PCI programmée), mais n’a pas modifié la durée optimale de la DAPT post-SCA, qui reste d’au moins 1 an sur la base de 3 études majeures (CURE, TRITON, PLATO).

Faut-il prolonger la DAPT ?

L’ étude ARTIC-interruption n’a pas montré de bénéfices à poursuivre la DAPT au-delà d’un an, chez des patients majoritairement stables. L’étude DAPT a l’intérêt majeur d’avoir évalué un large spectre de patients coronariens, avec différents types de stents, et deux types de P2Y12i (Clopidogrel, et Prasugrel en « off-label »),avec une randomisation à 12 mois de suivi, entre une prolongation de la DAPT ou le maintien de l’aspirine en monothérapie. La prolongation de la DAPT permet une réduction des thromboses de stent, et des infarctus, dont 50% surviennent sur un autre territoire coronaire que celui stenté, avec un effet rebond, y compris lorsque la DAPT est stoppée à 30 mois. Le prix à payer dans cette étude est un excès d’hémorragies majeures, et de décès d’origine non- cardiovasculaire.

L’étude PEGASUS s’est adressé à des patients coronariens stables, en introduisant la Ticagrelor à deux posologies (60 mg x2/j ou 90 mg x2/j), 1 à 3 ans après le SCA initial, le 3e groupe de randomisation demeurant sous Aspirine en monothérapie. Les effets cliniques ont été similaires avec les deux doses de Ticagrelor, avec un profil de tolérance plus favorable pour la plus faible dose de 60 mg x 2 par jour, qui devrait être le traitement de choix au-delà d’un an post-SCA en association avecl’aspirine. Une réduction des événements ischémiques a été observée (réduction des IDM, des AVC, de la mortalité cardiovasculaire) avec une tendance forte, bien que non significative, à la réduction de la mortalité totale. Il n’y a donc pas de signal défavorable, puisque l’excès d’hémorragies, attendu en prolongeant la bithérapie, ne s’accompagne pas d’un excès d’hémorragies intracrâniennes ni d’hémorragies fatales.

Conclusion

Le moment de l’initiation de la DAPT, le choix de l’inhibiteur des récepteurs P2Y12, la durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire sont mieux ciblés. Des données complémentaires sur plusieurs études (PRODIGY, DAPT, PEGASUS), couplées aux données des registres (registres scandinaves, registre français FAST-MI) devrait permettre d’optimiser la stratégie thérapeutique.